Pourquoi la prévention santé du dirigeant est-elle encore un sujet tabou en France ?
Par Céline Jimenez
La santé des dirigeants d’entreprise, dans les TPE/PME est encore un sujet paradoxal en France. Alors que le cadre législatif évolue, sur le tard diront certains, des étapes législatives majeures ont été franchies et elles sont encore trop difficilement mises en application …
Revenons sur la chronologie des avancées :
- 2012 : obligation de mise en place de programmes spécifiques avec notamment des programmes de prévention des risques professionnels pour les indépendants.
- 2016 : la notion de santé du dirigeant entre dans la loi avec la loi du 8/8/16 qui instaure l’obligation d’un suivi individuel du « travailleur »
- 2021 : le 2/8/21 la loi place la santé du dirigeant au même plan que celle du travailleur.
Les lois évoluent et socialement, culturellement, des freins persistent quand il s’agit de considérer pleinement la santé du dirigeant et souvent par le dirigeant lui-même.
Parler prévention pour un dirigeant c’est désormais assez évident ; ils sont souvent les premiers à prôner la prévention pour leurs équipes. Dans ces démarches préventives et encore parfois curatives, plusieurs clés de lecture : les contraintes de la loi, la prise de conscience de cette nécessité de prendre soin de ses équipes pour soigner son entreprise et son image, la prise de conscience des risques encourus à ne rien faire … c’est « l’effet boule » de neige, la vision du sujet évolue et prend sa place dans les stratégies des entreprises.
Et le dirigeant dans tout cela ??
Il est bien trop souvent effacé, négligé, voire passé sous silence. En effet, le rôle de dirigeant est perçu comme celui du super héros, un pilier infaillible qui gère tout sans vaciller, toujours prêt à surmonter les défis sans laisser paraître la moindre vulnérabilité.
Comment expliquer ce « tabou » qui règne encore autour de la santé du dirigeant ?
Le mythe du dirigeant super héros des temps modernes :
Les dirigeants sont souvent vus comme les « pilote de l’avion », ceux qui doivent maintenir le cap en toutes circonstances et regarder au loin. La projection est réelle : le dirigeant incarne la force, le pouvoir, les compétences clés, bref, il est le super héros ce son livre. Cette vision laisse peu de place à l’expression de la vulnérabilité, peu de place à l’expression simple des besoins humains de soutien. Comment oser exprimer ses limites ? le premier mot caché est la « peur » (parfois inconsciente): du jugement, du regard de l’autre, de passer pour un faible ou pour un mauvais… peur de fragiliser son autorité ou de perdre la confiance des équipes et des partenaires. Les conséquences peuvent être dramatiques car certains dirigeants préfèrent cacher leurs difficultés plutôt que de rechercher de l’aide. Et là le danger guette …
Une culture de la sensibilisation encore trop insuffisante :
En matière de santé mentale et physique, les initiatives de prévention en entreprise sont en pleine expansion, mais elles se concentrent essentiellement sur les salariés. Le dirigeant est au service de son entreprise et de ses salariés … Les dirigeants, pourtant exposés à un stress continu et à une charge mentale importante, sont souvent « exclus » de ces programmes. En France, le bien-être des dirigeants est insuffisamment mis au cœur des politiques de santé publique ou des campagnes de sensibilisation. Ce manque de « considération » contribue à renforcer la perception selon laquelle ils n’ont pas réellement besoin d’être pris en charge…
Le poids des croyances :
En matière de santé mentale et physique, les initiatives de prévention en entreprise sont en pleine expansion, mais elles se concentrent essentiellement sur les salariés. Le dirigeant est au service de son entreprise et de ses salariés … Les dirigeants, pourtant exposés à un stress continu et à une charge mentale importante, sont souvent « exclus » de ces programmes. En France, le bien-être des dirigeants est insuffisamment mis au cœur des politiques de santé publique ou des campagnes de sensibilisation. Ce manque de « considération » contribue à renforcer la perception selon laquelle ils n’ont pas réellement besoin d’être pris en charge…
Le poids de la responsabilité & l’inconscience :
Les chefs d’entreprise, en particulier dans les petites et moyennes entreprises, se sentent souvent responsables de tout : des décisions stratégiques aux succès et échecs de l’entreprise. Ce poids de responsabilité induit que leur santé passe au second plan, face aux enjeux de rentabilité et de performance. Nombreuses sont les questions que cela amène pour comprendre ce blocage inconscient : Sentiment de culpabilité ? devoir de sacrifice ? sentiment de véhiculer une image de distraction ? pression sociétale ? sentiment inconscient de toute puissance ? égo ? … chacun pourra faire son analyse !
La prévention coûte cher :
Pour beaucoup de dirigeants, surtout de PME, la prévention en santé représente un coût additionnel qui n’est pas toujours envisageable, surtout en période de crise. Alors que les entreprises investissent dans des programmes de bien-être pour leurs employés, les dirigeants eux-mêmes disposent rarement des ressources nécessaires pour s’offrir des consultations de coaching ou de gestion de stress. La question centrale que cela pose est : quel est le prix du risque à payer à ne rien changer ? Comment concevoir des solutions adaptées aux besoins des dirigeants ? comment faire en sorte que la santé des dirigeants ne soit pas un sujet relégué au second plan ?
Lever le tabou :
Briser ce « tabou » c’est l’avenir ! Non seulement pour le bien-être des dirigeants, mais également pour la santé globale des entreprises. De plus en plus de voix s’élèvent pour promouvoir la prévention santé pour les dirigeants, qu’il s’agisse de services de coaching professionnel, de groupes de soutien ou d’initiatives de sensibilisation. Il devient crucial de faire évoluer les mentalités pour que la santé des dirigeants soit perçue comme un investissement essentiel et stratégique pour la réussite à long terme des entreprises françaises.
Agir c’est donc …:
Continuer à lever le voile, verbaliser, questionner, sensibiliser, former, assumer et surtout écouter les dirigeants c’est se donner les moyens de faire évoluer la perception de leur propre santé afin qu’elle devienne une priorité de santé publique.